Lê Trọng Quát
« Je ne
fais pas de politique », cette réponse nette et tranchante fut celle
d’un certain nombre de Vietnamiens chaque fois qu’ils étaient invités à
participer à la lutte pour défendre la liberté du Sud Vietnam d’avant mai 1975.
Pendant toutes les
deux périodes de l’histoire du Vietnam, avant et après 1975, cette réponse
porte en elle-même une signification tellement lourde de conséquences qu’il
convient de l’examiner sérieusement
Que veut dire
l’expression « Je ne fais pas de politique » ? Et a
contrario que veut dire l’expression « Je fais de la politique » ?
Que veulent dire
ceux qui affirment ne pas faire de politique et ceux qui, au contraire,
déclarent en faire avec non moins de force. J’entends ici que « la
participation à l’action politique » n’est qu’une façon de « faire
de la politique » et ne distingue pas les deux expressions.
I)
La
définition de la politique
Pour comprendre
l’attitude des gens devant la politique il faut définir cette dernière avec
précision. Car même dans les pays à haut niveau culturel on a souvent des
notions divergentes de la politique.
Avant tout, la
politique est l’art de gouverner. Dans une plus large mesure elle comprend
aussi les relations que les nations entretiennent entre elles et celles des
nations avec les institutions internationales.
Les théories
relatives à l’organisation de l’Etat, aux institutions et aux partis politiques
relèvent aussi de la politique.
Dans le langage
marxiste qui sous-tend la lutte des classes la politique est la partie
principale de la superstructure. Cette dernière comprend les idéologies, les
institutions politiques centrales d’un Etat reposant elles mêmes sur une
infrastructure constituée par les forces productives et les rapports de
production, base matérielle de la société.
En définitive, peu
de termes ont un sens plus large que le terme politique puisque celui ci
englobe plusieurs aspects des plus importants de l’Etat, des institutions
internationales et du monde en général.
II)
Faire
ou ne pas faire de la politique
La définition de la
politique au sens large éclaire la question de la participation ou de la non -participation
à l’action politique. Ceci est très important pour les Vietnamiens de
l’intérieur comme pour ceux vivant à l’étranger.
Notre peuple est un
des peuples les plus malchanceux du monde. Après avoir subi une longue guerre
par intermittence pendant trente ans, avec des phases de violence succédant à
de courtes périodes d’accalmie, il doit vivre depuis trente ans sous le joug
d’un régime implacable. Pour secouer ce joug le pays a besoin de l’aide de tous
ses enfants.
La question de la
participation ou non à l’action politique se pose dans tous les pays du monde.
Car d’une manière ou d’une autre tout homme participe plus ou moins à l’action
politique. L’homme n’est-il pas dénommé « animal politique » ?
Chacun de nous est lié à sa société, sa nation par un ensemble de droits et
d’obligations.
Exercer ses droits
de citoyen dans un pays démocratique, poser sa candidature aux fonctions
électives sont autant de formes d’action politique. C’est à travers ces
activités d’usage que la grande majorité des citoyens participent à la vie
politique de leur pays.
Lutter contre la
fraude électorale, revendiquer le droit de vote, faire campagne pour un ou
plusieurs candidats, c’est faire de la politique, c’est s’engager politiquement
pour servir et défendre la démocratie. Sans l’action des hommes dynamiques et
courageux bien des pays en développement seraient déjà tombés sous la
domination des régimes dictatoriaux. La démocratisation des pays d’Amérique
latine pendant les trois dernières décennies illustre ce fait historique.
Exprimer ses idées,
affirmer son point de vue sur les questions qui intéressent le pays ou le
monde, c’est faire de la politique, car on montre ainsi sa pensée, son opinion
en tant que citoyen d’un pays libre et démocratique.
Participer aux
activités d’une organisation, d’un mouvement politique ou d’un parti politique,
c’est faire de la politique, c’est prendre son engagement de réaliser et servir
un idéal, une aspiration qui dépasse les intérêts particuliers. La vraie
démocratie prend sa source ici même. Car l’apprentissage de la démocratie se
déroule dans ce champ d’action.
Occuper une
fonction dans la structure du pouvoir public, faire partie d’un gouvernement,
c’est faire de la politique, puisqu’on exerce collectivement le pouvoir et
engage solidairement sa responsabilité devant la représentation nationale.
Dans l’ensemble,
quand les hommes choisissent de vivre en communauté, au sein d’une société,
d’un Etat, tout le monde participe d’une façon ou d’une autre à l’action
politique pour que survive et se développe la nation. Participation active et
volontaire à la vie politique du pays ou participation passive et inconsciente
sont également des actes politiques. Le silence lui-même devant un événement
qui affecte le pays est aussi une attitude politique.
Cependant, il y a
toujours un certain nombre de gens qui ne veulent pas s’impliquer dans l’action
politique, qui ne s’intéressent pas à autre chose que leur vie matérielle de
tous les jours. Ils s’enferment dans leur coquille bien close sans se
préoccuper du « climat » politique et social du monde extérieur.
En raison de
l’interdépendance actuelle des nations du monde, aucun pays ne saurait vivre en
vase clos pas plus que l’individu dans son univers isolé. Se hausser au dessus
du cadre étroit de sa vie pour entrer en relations avec la société, pour
partager avec les autres les mêmes soucis, les mêmes projets, les mêmes
espoirs, c’est faire de la politique.
C’est précisément
notre capacité de nous organiser en société, en nation, qui nous distingue des
animaux mêmes les plus intelligents, alors qu’à l’époque préhistorique entre
les hommes et eux il y avait peu de différences.
Certes, à travers
l’histoire, depuis l’époque où les idées politiques étaient encore
rudimentaires jusqu’au moment où elles atteignent le haut point de
développement, il y a toujours, en dehors des hommes politiques vertueux, des
politiciens véreux qui profitent de la confiance du peuple pour s’approprier le
pouvoir. Ils profitent également de la passivité de ceux qui « ne font pas
de politique » pour faire fortune en bradant leur conscience et leur
honneur.
Mais ce phénomène
déplorable ne saurait ternir l’auréole prestigieuse de l’action et de
l’engagement politiques. Cette auréole est faite de moralité et de sacrifices
des hommes politiques vertueux qui, toute leur vie, oeuvrent pour le bien du
peuple.
Participer à
l’action politique c’est accepter de relever les défis du destin, c’est
dépasser sa propre personne pour coopérer avec les autres au service de son
pays, pour faire de celui-ci un composant digne et respectable de la communauté
internationale et non plus un pays assisté.
Participer à
l’action politique c’est prendre volontairement sa responsabilité vis-à-vis de
son pays, c’est combattre l’indifférence des gens qui se considèrent comme des
« observateurs objectifs », alors que le pays en péril a besoin de
chacun des siens pour échapper à son triste sort.
Bien avant 1975,
pendant la décennie 1950, des gens qui fuyaient la responsabilité masquaient
leur peur sous différentes formes. Leur attitude a amoindri notre capacité de
résister au communisme pour défendre la liberté. Ils n’aimaient pas les communistes,
ils ne voulaient pas qu’ils s’emparent du Vietnam. Mais ils n’osaient pas
participer à la lutte anti-communiste par peur de leur vengeance.
Malheureusement leur prudence ne leur a pas permis d’échapper au sort commun de
tout le peuple vietnamien : en 1954 ils ont du suivre un million de leurs
compatriotes du Nord dans l’exode vers le Sud Vietnam, et en avril 1975, ils
ont dû quitter le pays comme tant d’autres pour vivre en exil à l’étranger.
III)
Les
Vietnamiens de l’étranger et la politique
Par Vietnamiens de
l’étranger, j’entends tous les Vietnamiens qui vivent actuellement en dehors de
leur pays quelle que soit la nationalité qu’ils ont choisie, pourvu qu’ils
restent attachés à leur pays d’origine et gardent encore dans leur cœur l’amour
pour leurs compatriotes.
Quant à la question
de savoir que faire pour la patrie, je ne distingue pas ceux qui ont quitté le
Vietnam avant ou après 1975.Car chacun a dû le faire selon les circonstances et
pour des motifs qui lui sont propres. Ce qui importe vraiment c’est de savoir
s’ils sont désireux de contribuer à l’amélioration de la situation politique,
économique et sociale du pays. Ici, je voudrais évoquer un vieux souvenir
personnel qui date d’une époque lointaine mais qui est encore significatif
aujourd’hui : En 1959, venant d’Athènes où j’avais assisté à la conférence
de l’Union Parlementaire Internationale, je suis arrivé à Paris les premiers
jours de l’automne. J’étais alors un jeune homme de moins de 30 ans. Après
avoir exercé plusieurs métiers (professeur, avocat, rédacteur en chef et
directeur de journaux…) et subi bien des épreuves (emprisonnement, infortunes
diverses…) j’étais habitué à affronter l’adversité au lieu de la fuir.
Elu député à
l’Assemblée Nationale, j’avais occupé successivement différentes fonctions
comme Vice Président, puis Président du Groupe « Alliance Sociale Démocrate»
à l’Assemblée, Président des Commissions des Affaires Sociales, du Travail et
de la Santé, des Affaires Intérieures, de la Défense…J’ai jugé qu’il était
nécessaire de venir à Paris pour « désintoxiquer » l’opinion publique
chargée de fausses idées sur notre régime. Ce n’était pas une tâche facile car
Paris était un lieu où les communistes vietnamiens et leurs sympathisants et
alliés s’agitent beaucoup.
Lors d’un débat
public et contradictoire très animé avec les Vietnamiens de tout bord j’ai
abordé toutes les questions relatives à la situation du pays. Les communistes
n’arrivaient pas à avoir le dernier mot et finalement, à court d’arguments, ils
ont dû se taire.
Depuis, tant d’eau
a coulé sous les ponts. La situation des Vietnamiens s’est profondément
modifiée. Les positions des uns et des autres se sont inversées. Alors qu’au
Vietnam leurs soldats, ces « bô dôï », sortent de la jungle pour
parader à Saïgon et leurs policiers de la clandestinité pour régler la
circulation dans la cité qui porte provisoirement le nom de leur « oncle
Hô », dans les pays étrangers, les communistes vietnamiens, même leurs
représentants diplomatiques, n’osent plus se montrer en plein jour par peur des
représailles venant des trois millions de réfugiés politiques vietnamiens.
Ayant perdu le
pouvoir politique et la souveraineté dans le pays par l’invasion communiste,
les Vietnamiens de l’étranger remportent par contre, dans leurs pays d’accueil,
bien des victoires tant sur le plan moral que sur le plan matériel.
De l’Amérique à
l’Asie en passant par l’Australie et l’Europe, les patriotes vietnamiens ont
fait triompher leur juste cause devant l’opinion publique internationale. Ils
ont montré combien leur combat d’antan était mal compris et dénigré par la
cinquième colonne communiste et les intellectuels gauchistes des pays
occidentaux.
Aux Etats-Unis,
près de 70 grandes villes ont reconnu leur drapeau jaune à trois bandes rouges
comme le symbole des démocrates vietnamiens. Les autorités de quelques grandes
villes de Californie du Sud (1) ont même décidé de ne plus assurer la sécurité
des agents d’Hanoï et leur ont conseillé de ne plus s’aventurer dans les villes
où résident de nombreux réfugiés vietnamiens.
Les réfugiés
vietnamiens et leurs enfants ont brillamment réussi dans leurs pays d’accueil.
Leur dignité et leur talent ont été reconnus partout.
L’an passé, les
Vietnamiens d’outre mer ont envoyé au Vietnam trois milliards de US$, (2)l’équivalent
du total de l’aide internationale reçue par le Vietnam. Ce fait mérite d’être
examiné de près, car en dehors de l’aide familiale, sociale et humanitaire, on
se demande à juste titre s’il faut continuer à soutenir financièrement par ce
moyen un régime dictatorial, corrompu et répressif qu’est celui d’Hanoï.
Ce régime est actuellement
condamné, à l’extérieur, par tous les pays civilisés et combattu, à
l’intérieur, par les intellectuels révoltés, les paysans dépouillés de leurs
terres et même par des membres dissidents du parti communiste..
Tous sont
conscients du danger que court actuellement la nation qui a vu s’effondrer ses
valeurs morales et spirituelles traditionnelles face à la puissance de l’argent
qu’une minorité de gens sans scrupules gagnent sur le dos de la grande
majorité.
Les Vietnamiens de
l’étranger ne sauraient rester indifférents au sort de leurs compatriotes
victimes d’un régime impitoyable. Ils ne sauraient davantage observer en
spectateurs la lutte courageuse menée par des démocrates pour faire triompher
la liberté et la démocratie.
Au XXIème siècle,
dans la plupart des pays du monde l’homme a atteint le haut niveau de
développement moral et matériel. Vous, les Vietnamiens de l’étranger, vous
bénéficiez de ce niveau de développement dans vos pays d’accueil. Aux yeux de
nos compatriotes votre sort représente le rêve qu’ils poursuivent.
Vous qui vivez aux
Etats Unis, le pays le plus riche et le plus puissant du monde qui dispose d’un
revenu intérieur brut (PIB) par tête de 44 469 US$ ou 34 207 euros.
Vous qui vivez en Europe avec un revenu moyen de 31 035 US$ ou 23 874
euros, alors qu’au Vietnam le revenu par tête est évalué au maximum à 500 US$,
c'est-à-dire 6 fois moins que nos voisins Thaïlandais et 70 fois moins que les
Japonais(3). Et pourtant les dirigeants d’Hanoï, dans les années 70, ne
cessaient de se vanter d’être « le sommet de l’intelligence », eux
qui, en trente ans, ont ramené notre pays à l’époque paléolithique.
Devant ce fossé
abyssal des revenus entre le Vietnam et les pays voisins, il n’est pas étonnant
de voir partout, à la campagne et dans les bas quartiers des villes, le
spectacle de la pauvreté. La surface insolente des grands palaces magnifiques,
des restaurants luxueux, des boîtes de nuit aux lumières resplendissantes
réservés aux touristes étrangers, aux hauts cadres du régime et aux « capitalistes
rouges » cache mal les cruelles réalités d’une économie artificielle à la
dérive. Car sur le trottoir d’en face des enfants en haillons se bousculent
autour des touristes pour mendier ou se disputent les restes des repas.
Plus loin et plus
discrètement, d’autres enfants se prostituent pour faire vivre leurs parents.
Des mères de famille « s’exportent » pour travailler à l’étranger où
elles subissent quotidiennement humiliations et abus sexuels. D’autres femmes
sont obligées de se marier avec les étrangers, Chinois ou Taiwanais, contre une
poignée de dollars pour permettre à leurs parents de survivre.
La situation
économique et sociale n’est pas évoquée ici pour dénigrer le régime en place
mais pour attirer l’attention des Vietnamiens de l’étranger sur la nécessité de
répondre à l’attente de nos compatriotes.
IV)
Nous
ne pouvons pas rester indifférents au sort du pays
Ensemble nous
devons mobiliser tous nos moyens et énergies dans la lutte pour restaurer la
liberté et la démocratie au Vietnam. Nous devons œuvrer inlassablement pour
obliger les autorités en place à restituer sans condition les biens des Eglises
(catholique, protestante, bouddhique, Hoa Hao, Cao Dai…)
A l’étranger, nous
devons recourir à des méthodes les plus efficaces pour faire connaître à
l’opinion publique internationale la situation d’un peuple de 80 millions de
personnes opprimé, humilié et réprimé par un régime dictatorial à parti unique
qui fait régner la violence et la terreur sur le pays depuis 30 ans.
La pression de
l’opinion internationale peut ouvrir la voie à l’intervention des pays
étrangers auprès du régime d’Hanoï pour qu’il rétablisse les libertés. Ceux-ci
l’ont déjà fait en d’autres lieux où des populations étaient opprimées par leur
propre gouvernement.
Nous devrions appuyer
au maximum l’action de nos compatriotes, celle des intellectuels, des anciens
communistes déçus et trahis par le régime, des agriculteurs expropriés du Nord,
qui tous réclament la liberté et la démocratie.
Devant cette marée
montante de la révolte de notre peuple contre la tyrannie nous devrions éviter
tout acte, volontaire ou involontaire, susceptible de renforcer un régime qui
exploite sans pitié un pays en ruine pour enrichir ses acolytes dont l’avidité
est sans limite.
Ne laissons pas les
communistes d’Hanoï profiter de notre désir de visiter notre terre ancestrale
pour nous prendre en otage. Si pour des raisons familiales nous rentrons au
pays pour une courte période chacun de nous doit trouver le moyen d’informer
nos compatriotes que plusieurs grandes puissances, surtout les Etats-Unis, ne
cessent de dénoncer la violation des droits de l’Homme au Vietnam. Elles
n’hésiteront pas à aider tout peuple qui mène la lutte pour défendre la liberté
et la démocratie comme l’a solennellement déclaré le Président George W. Bush
lors de l’inauguration de son second
mandat.
Plus que jamais,
les Vietnamiens de l’étranger doivent contribuer par leurs biens, leurs talents
et leurs énergies à l’édification d’un nouvel espace de liberté, de démocratie,
de paix et de progrès que devra être le nouveau
Vietnam.
Plus que jamais,
nous devons rester vigilants face aux noirs desseins du Parti communiste
vietnamien (PCV) visant à semer le trouble et la division dans nos rangs. La
résolution No 36 de son Bureau politique elle même les a dévoilés quand elle
avançait des arguments de pure propagande pour flatter et menacer à la fois les Vietnamiens de
l’étranger. Que les communistes d’Hanoï se proposent d’« aider »
les Vietnamiens vivant en Europe et aux Etats-Unis qui disposent des revenus
cent fois supérieurs à ceux de leurs compatriotes restés au pays prête à rire.
V) Message aux jeunes Vietnamiens de l’étranger
A l’étranger, avec
la réussite de leurs aînés, les Vietnamiens des nouvelles générations, nés et
grandissant loin de leur pays d’origine ont par leurs succès scolaires et
universitaires honoré le peuple vietnamien tant en Europe, en Australie qu’aux
Etats-Unis.
Je voudrais
m’adresser, ici, à vous, jeunes et brillants compatriotes pour vous dire
ceci : vous qui ne connaissez notre pays qu’à travers la lentille des
médias ou à travers ce qu’on vous a raconté. Vous qui connaissez notre pays
lors de brèves visites touristiques durant lesquelles vous avez pu voir de
beaux paysages, des sites historiques prestigieux, des parents, quelques
grandes villes comme Hanoï et Saïgon. Mais vous n’avez pas eu le temps
nécessaire pour observer la misère de vos concitoyens, qui contraste avec les
apparences d’une prospérité et d’un luxe tout artificiels qui sont des insultes
pour les 87% de la population qui vivent dans la pauvreté.
Dix millions de
gens vivant en ville et quelques uns à la campagne constituent le sommet de la
société. On les dénomme « les capitalistes rouges ».Ils possèdent des
millions, voire des centaines de millions de dollars. Ce sont des dirigeants du
PCV, de l’Etat, des cadres puissants qui occupent les fonctions importantes
dans la structure du pouvoir politique et dans les grandes entreprises
publiques.
Tandis que vous
devez tous fournir de sérieux efforts pour obtenir des bourses, emprunter de
l’argent et même travailler pour financer vos études, les enfants des
« capitalistes rouges » sont envoyés, dès qu’ils sont encore dans
l’enseignement secondaire, à l’étranger pour faire leurs études dans le luxe,
dépassant le train de vie des enfants des riches des pays d’accueil.
Au même moment, à
Thai Binh dans le Nord Vietnam, à Quang Nam dans le Centre et à Ca Mau dans le
Sud des dizaines de milliers d’enfants ont du abandonner leurs études parce que
leurs parents n’ont pas le moyen de payer leurs frais de scolarité.
Vous qui vivez dans
la « Ville de la lumière » de Paris, vous qui vivez dans de beaux
gratte-ciels à New York ou à Chicago, comment pourriez vous oublier ces pauvres
enfants qui courent après les touristes étrangers pour mendier devant les
hôtels ou qui se vendent pour aider leur famille. Dans leurs veines coule le
même sang que le vôtre. Comme nous tous, ils descendent de l’union légendaire
d’un Dragon sacré et d’une Déesse fondateurs du peuple vietnamien. Seulement le
destin a voulu qu’ils naissent et grandissent dans un pays gouverné par les
communistes.
Notre devoir à
tous, jeunes comme vieux, est de travailler activement et efficacement à la
recherche d’une solution susceptible de réaliser la liberté et la démocratie
pour le pays et d’ouvrir la voie à un avenir radieux pour le peuple.
L’opportunité que
nous avons en ce moment n’a jamais été aussi propice pour atteindre cet
objectif. Aucune oeuvre n’est aussi glorieuse que cette action au service du
pays. Actuellement, au Vietnam comme dans le monde entier, le mythe Ho Chi Minh
glorifiant la guerre anti-capitaliste, anti-impérialiste, s’est dissipé comme
un mauvais vent pour faire apparaître toute la vérité historique. Bien plus,
le « processus pacifique de démocratisation » est en marche pour
conduire le Vietnam vers la liberté.
En dehors de sa
propre famille dont chacun de vous s’occupe activement vous pouvez toujours
poursuivre un idéal de votre vie. Et il n’est plus noble idéal que celui de
servir sa patrie et son peuple. Vivant loin de votre pays d’origine, vous
trouverez dans cette action l’occasion de retrouver vos racines et le moyen
d’éviter la perte d’identité. Vivant loin de notre pays, nous sentons parfois
le poids de la solitude, même quand nous nous trouvons parmi les amis les plus
proches. Car ceux-ci ne sont pas de la même race, n’ont pas le même héritage
culturel que nous.
Vous êtes
certainement des gens compétents et performants. Mais à l’étranger vous vous
cantonnez le plus souvent dans vos activités professionnelles, dans vos
spécialités. Dans vos pays d’accueil, qui sont des pays développés, il ne
manque pas de talents alors que chez nous on a besoin de vous. Vous pouvez
jouer là bas un rôle très important dans la reconstruction et la modernisation
du pays. Vous pourrez même devenir plus tard des dirigeants qui décideront de
la politique d’un Etat en voie de démocratisation.
La population du
Vietnam commence à dépasser 80 millions d’habitants. Une fois démocratisé,
modernisé et assaini par des dirigeants ayant le sens de l’Etat notre pays
saura occuper une position digne de son rang dans la communauté internationale.
Vous devriez
participer à ce voyage de retour aux sources, un voyage exaltant et rempli
d’espoirs qui demande beaucoup d’efforts et qui vous mène vers la gloire.
Pour l’instant,
vous continuez à exercer normalement vos activités professionnelles dans vos
pays de résidence. Votre participation à l’action politique consiste seulement
à soutenir par votre intelligence et votre ardeur la lutte commune menée avec
détermination par tous ceux qui veulent changer la situation du pays par voie
démocratique. Le monde nous observe et est prêt à nous appuyer si nécessaire.
Vous, jeunes
Vietnamiens de l’étranger, il ne faut pas vous enfermer dans vos coquilles
individuelles à dimension réduite pour vous contenter de quelques conforts
matériels. Il ne faut pas enterrer votre vie dans l’anonymat du pays d’accueil.
Il est temps pour vous de choisir entre une vie monotone qui est un pur gâchis et
une vie exaltante et utile menée au service de la Nation d’origine. Vous serez
fiers de cette dernière car elle vous apportera une gloire digne de vous.
*
* *
Faire de la
politique ou ne pas en faire au moment où la patrie vous attend. Je crois que la
réponse est claire. C’est la réponse des Vietnamiens d’outre mer dont le cœur
se tourne vers la terre ancestrale avec une foi indestructible dans l’avenir
radieux d’un Vietnam démocratique et libre, un Vietnam qui perpétue la
tradition humaniste, de concorde et de
fraternité, un Vietnam qui avancera avec détermination dans le renouveau quand
la sinistre parenthèse communiste de l’histoire sera définitivement fermée.
Paris, Printemps
2005
(1)
Plusieurs villes, aujourd’hui.2013
(2)
Environ 8 milliards de dollars US
en 2012
(3)
Chiffres à actualiser bien
évidemment.